Sur le haut estran, au Sud de Saint-Jean-le-Thomas, l’érosion a dégagé des niveaux anciens de tourbe et de tangue intercalés dans les formations sableuses. Les tourbes les plus anciennes sont datées autour de 4700 ans BP et les plus récentes à 1050 ans (époque médiévale). L’étude de ces niveaux permet de reconstituer l’évolution du paysage sur le littoral de Saint-Jean-le-Thomas. Dans un havre abrité, un schorre évolue en marais et en tourbière à l’abri d’un cordon dunaire. Périodiquement, une rupture du cordon entraîne le dépôt de sables sur les formations d’arrière-cordon.
Les niveaux de tourbe les plus anciens (4700 et 4000 BP) affleuraient particulièrement bien il y a une vingtaine d’années, au Sud de la plage de Pignochet.
La plupart des photos présentées ici ont été réalisées en 2002.
Bibliographie complémentaire : « Contexte géologique et géomorphologique général des sites de Saint-Jean-le-Thomas et Champeaux » par Alain L’Homer, Bernadette Tessier et Cyrille Billard avec la collaboration de I.Billeaud et J.-P Lautridou, article extrait de « Pêcheries de Normandie, Archéologie et histoire des pêcheries littorales du département de la Manche », sous la direction de Cyrille Billard et Vincent Bernard, Presses universitaires de Rennes, 2016.
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Au sud de la plage de Pignochet, la plate-forme découverte à marée descendante est constituée par des niveaux anciens de tangues et de tourbes découpés par l’érosion. Ces niveaux ont été datés entre 4700 et 3700 BP (soit environ entre 3300 et 2100 cal. BC).
Vue prise vers le Nord-Ouest, année 2002
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Les niveaux anciens de tangues et de tourbes s’étendent sur le haut estran, en contrebas de la plage qui borde les dunes de Saint-Jean-le-Thomas. En surface, on distingue plusieurs anciennes souches d’arbres couvertes d’algues vertes. La présence de souches caractérise la « tourbe supérieure » qui est ici un bon niveau repère stratigraphique. Malheureusement, ces souches, visibles en 2002, ont actuellement disparu probablement à la suite de l’érosion de l’estran (ou à la suite de prélèvements ?).
Vue prise vers le Nord-Est, année 2002
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Séquence stratigraphique
De haut en bas, on observe la succession suivante :
- tourbe argileuse compacte, appelée tourbe supérieure, marquée par la présence de souches (datation par L’Homer : 4030 +- 70 BP soit 2868 2348] cal. BC)
- argile silteuse grise non litée, de 10 à 20 cm d’épaisseur
- tourbe argileuse compacte, appelée tourbe inférieure, de quelques centimètres d’épaisseur (datation BRGM : 4730 +- 130 BP soit [3341-2908] cal. BC)
- tangue litée argileuse à réseau racinaire de roselière
Vue prise en 2002
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A la base de la séquence stratigraphique, la tangue litée, riche en débris végétaux, surmonte un niveau d’argile grise qui renferme de nombreuses petites coquilles blanches d’hydrobies (gastéropodes).
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Les hydrobies sont des petits gastéropodes à coquille conique pointue, de 5 mm de hauteur, à tours non renflés, le dernier tour étant plus large. Les hydrobies vivent sur la vase, dans des milieux saumâtres, à faible salinité, et peu profonds. Leur présence témoigne d’un milieu de sédimentation abrité sans communication permanente avec la mer, sauf lors des marées de vive-eau.
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Tangue litée (vue en coupe verticale)
Situé à la base de la séquence étudiée, ce niveau de tangue correspond à des sédiments estuariens de schorre. Les lits de tangue sont traversés par de nombreuses tiges et racines de roseaux.
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Tangue litée (vue de dessus)
Des tiges de roseaux émergent de la tangue ; une roselière s’est donc développée sur la tangue.
Le schorre a évolué en marais maritime à l’abri d’une barrière littorale (cordon dunaire). Cette évolution a ensuite abouti à une tourbière comme en témoigne le niveau de tourbe (« tourbe inférieure ») qui surmonte la tangue. |
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Tourbe supérieure
Il s’agit d’une tourbe argileuse et compacte, noire, riche en matière organique. La tourbe s’est formée dans le marais maritime constamment imprégné d’eau, à l’abri de la zone estuarienne, et protégé par un cordon sableux. |
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Souches au sommet de la tourbe supérieure
Les souches d’arbres présentent des racines rayonnantes ; elles sont couvertes d’algues vertes filamenteuses.
De petits arbres ont colonisé le marais tourbeux développé en arrière d’un cordon sableux.
Vue prise en 2002 |
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Les souches sont attribuées à des aulnes, arbres de taille moyenne capables de vivre dans des milieux marécageux plus ou moins gorgés d’eau. Les aulnes peuvent survivre à l’ennoyage en développant des racines adventives à la base du tronc.
Vue prise en 2002 |
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La surface de ce niveau de tourbe présente aussi de nombreuses empreintes de bovidés, ce qui suggère une fréquentation du marais tourbeux par du bétail et une anthropisation du milieu.
Vue prise en 2002
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Criche moulée par la tourbe
Les formations d’arrière-cordon sont parcourues par un réseau de petits chenaux, appelés criches. Ces dernières évacuent l’eau vers un chenal principal, exutoire du havre, débouchant dans la zone maritime. Les criches peuvent être repérées grâce au revêtement tourbeux qui épouse leur forme en creux.
Vue prise en 2002
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Souche d’aulne en bordure d’une criche
Vue prise en 2002
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Méandre d’un ancien chenal creusé dans les formations d’arrière-cordon
Vue prise en 2002 |
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Marais d’arrière-cordon ancien et actuel - Vue aérienne du littoral à Saint-Jean-le-Thomas
Sur l'estran, les tourbes anciennes représentent l’ancien marais. Ces tourbes anciennes se prolongent sous le cordon dunaire actuel et sous le marais actuel de la Claire Douves où elles ont été retrouvées en sondage.
Au cours de la période de 4700 à 4000 BP, le cordon dunaire se situait plus à l’Ouest (vers le large) ; il abritait une zone de marais plus vaste où des tourbières se sont développées.
Vue aérienne prise vers le NE, année 2019
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Coupe synthétique des formations d’arrière-cordon sur le haut estran de Saint-Jean-le-Thomas
Situées à la base de la coupe, la tourbe inférieure (4730 BP) et la tourbe supérieure (4000 BP), surmontent la tangue litée à réseau de racines, témoin d’un ancien schorre.
Le rectangle rouge indique la position stratigraphique des niveaux décrits précédemment.
Figure extraite de l’ouvrage « Pêcheries de Normandie » sous la direction de Cyrille Billard et Vincent Bernard, 2016 (modifiée)
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